• Legaltechs
  • Franck Samo
  • 08/12/2020

La justice prédictive, nouvel outil pour les professionnels du droit

Accusée IA, levez-vous. Depuis l'avènement il y a environ trois ans des legaltechs, ces start-up qui démocratisent l'accès aux documents de justice grâce à l'open data et aux algorithmes d'intelligence artificielle, l'IA est soupçonné de favoriser la justice prédictive, soit l'évaluation automatique du risque judiciaire. « C'est un terme impropre mal traduit de l'anglais. Il vaut mieux parler de justice prévisible » précise Louis Larret-Chahine, directeur général de Predictice et lui-même avocat.

Une aide au quotidien pour les avocats

La start-up fondée en 2016 par trois co-fondateurs issus des univers du droit et du digital utilise les outils de traitement automatique du langage juridique pour faciliter le travail des professionnels comme les avocats. « Le phénomène d'inflation législative - 4,3 millions de décisions de justice rendues chaque année - associé à l'open data qui démocratise leur accès, génère de nombreux problèmes et beaucoup de perte de temps pour les professionnels » décrit le co-fondateur de Predictice. Les algorithmes d'IA associés à un thésaurus (dictionnaire) sont capables de comprendre et décrypter le langage juridique. Ces logiciels ont deux usages. D'abord, construire une nouvelle génération de moteurs de recherche qui ne se contentent plus d'aller chercher les documents associés à des mots clés (divorce, licenciement) pour fournir des listes de résultats à rallonge. « Les algorithmes de Predictice, qui font de la recherche sémantique, sont capables de chercher et trouver pour un avocat toutes les décisions de justice qui vont dans le sens de la défense de son client » décrit Louis Larret-Chahine.

Lire aussi :Les métiers du droit bousculés par l'IA

Second usage : la justice prédictive. Certains redoutent de voir un jour la justice rendue par une IA, un moyen peu coûteux de désengorger les tribunaux. C'est déjà le cas dans l'État d'Ontario au Canada, où on peut résoudre des conflits de voisinage ou avec son employeur en s'adressant à un tribunal virtuel. En Estonie, pour les délits mineurs dont les dommages sont inférieurs à 7 000 euros, une intelligence artificielle pourra bientôt déterminer ou non la culpabilité d'une personne. Mais les détracteurs de ces juges robots pointent l'opacité des décisions des algorithmes et les biais éventuels qui pourraient influencer leurs choix.

« En France, personne ne cherche à construire un juge robot. Ça reste de l'ordre du scénario de film hollywoodien » se défend le co-fondateur de Predictice. Pour lui, il s'agit d'un outil qui fait une photographie des décisions de justice et calcule statistiquement un montant d'indemnités ou les possibilités d'obtenir un licenciement : « on est dans l'équivalent d'un scanner pour un chirurgien qui facilite la prise de décision ».

Lire aussi : Logistique : le digital réorganise les flux

« Le marché du droit n'est pas celui des trottinettes »

La start-up revendique 56 des 100 plus grands cabinets d'avocats abonnés à sa solution, ainsi que 2 000 avocats individuels sur tout le territoire. Avec 68 000 de ces professionnels en activité, la marge de progression de la legaltech est donc considérable. Pour répondre aux inquiétudes sur la justice prédictive, la start-up a mis en place un comité éthique composé de personnalités reconnues comme Pierre-Albert Iweins, ancien bâtonnier de Paris et ancien président du Conseil National des Barreaux ou Christophe Jamin, doyen de l'école de droit de Sciences-po Paris, chargés de réfléchir aux enjeux de cette future justice assistée par IA.

Predictice a également signé un partenariat avec le barreau de Paris : « les avocats sont pro innovation, le CNB a d'ailleurs créé un incubateur. Et ils sont vigilants sur le respect de la loi : le marché du droit n'est pas celui des trottinettes ». L'IA est-t-elle sur le point d'ubériser le monde feutré et très discret de la justice ? « D'autres secteurs, comme la finance ou la santé, ont été confrontés eux aussi à une explosion des informations et ont développé des outils pour aller plus vite et prendre de meilleures décisions. C'est ce qui arrive dans le monde du droit, avec les progrès du traitement automatique du langage naturel » analyse Louis Larret-Chahine.

Lire aussi :Le bâtiment de demain est déjà en chantier

Source : LA TRIBUNE article du 22 janvier 2020

Partagez :

Commentaire (0)

Aucun commentaire enregistré sur cet article

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire

Déconnexion